La Maladroite

seurat-la-maladroiteAprès ma lecture « détente » du dernier Nothomb, j’ai eu envie de découvrir le premier roman d’Alexandre Seurat, La Maladroite.

Les éloges fleurissent à propos de ce roman polyphonique mettant en scène, sans voyeurisme ni sentimentalisme, le martyr d’une petite fille victime de maltraitance. L’auteur, Alexandre Seurat, s’est inspiré de l’ affaire « Marina » dont on avait parlé il y a quelques années.

Diana est une petite fille qui semble engluée dans le malheur. D’abord rejetée à sa naissance, sa mère finit par vouloir la reprendre avec elle. En la nommant Diana, elle semble sceller son existence la condamnant à un avenir sombre fait de cavales, de faux nouveaux départs, qui auraient pu se répéter à l’infini,car à chaque fois que le soupçon de maltraitance pèse sur les parents, ceux-ci déménagent pour échapper à une enquête trop poussée.

Ce roman choral superpose les voix des témoins et des acteurs. On entend parfois la voix de la fillette qui restitue très souvent les  paroles des adultes. La sienne est contrôlée, maîtrisée ou contrainte au silence lorsqu’elle révèle par bribes un peu de ses souffrances.

C’est une sorte de machine infernale qui se met en place dès le premier signe de maltraitance repéré par l’institutrice. Quels que soient les rapports effectués par l’institution, le tragique semble s’acharner sur sa victime, aggravant à chaque fois son sort.

La culpabilité pèse lourd sur les nombreux témoins qui ont pourtant vu et compris mais qui n’ont rien pu faire malgré les signalements. La lenteur de l’institution, qui classe l’affaire faute de preuves réelles alors que le corps de Diana porte les stigmates des sévices corporels infligés par ses parents, n’a pas permis de mettre fin à cet engrenage.

En laissant une zone d’ombre sur les tortures et un adoptant un style « factuel », l’auteur couvre la fillette de dignité et rend hommage à cette enfance meurtrie.

Un texte poignant et juste dont on ne sort pas indemne.

Alexandre Seurat, La Maladroite, Editions La Brune au rouergue, 2015

La Maladroite

Le Crime du Comte Neville

crime comte NevilleQui dit rentrée littéraire dit parution d’un roman d’Amélie Nothomb. Sans surprise, la romancière belge publie donc un nouveau titre Le Crime du Comte Neville.

Assez déçue par ses derniers écrits mais toujours fascinée par le personnage de l’écrivain, j’ai quand même voulu me faire un avis. C’est une lecture finalement assez agréable, assez facile aussi. Le roman m’a davantage intéressée par les thèmes, souvent développés par l’auteur, qu’il aborde : l’adolescence, la difficulté à être, la thématique du double, la culpabilité, la mort et le rapport dominant-dominé et la relation père-fille. La mythologie plane sur l’ensemble du récit sans pour autant être une réécriture d’Iphigénie. Dommage d’ailleurs que les références soient explicites, que le lecteur n’ait pas à chercher dans ses souvenirs littéraires…

Les Neville sont belges. Et nobles. Tiens, comme les Nothomb…la famille de l’auteur apparaît d’ailleurs au fil d’une page. « Effet de réel » aurait dit Barthes…

Comme les temps sont durs et que c’est la crise pour tout le monde ou presque (le récit se passe en 2014), les Neuville doivent vendre leur riche demeure. Mais avant cela, le comte veut organiser, comme chaque année, une garden-party réunissant le gratin du coin. Mais, tout ne se passe pas comme prévu: sa fille Sérieuse (oui, oui, Sérieuse…Amélie Nothomb persiste et signe à donner des noms folkloriques à ses personnages. Lassant ou hilarant, à vous de voir…) a fugué (en réalité elle a simplement voulu attraper froid en dormant dehors histoire de ressentir quelque chose) et a été retrouvé par une chiromancienne qui annonce tout de go au père qu’il tuera un des ses invités lors de la réception organisée quelques jours plus tard. La machine infernale est en marche. Nul ne peut contrer le Destin. Sauf peut-être Sérieuse, bien décidée à ce que son père mette fin à ses jours trop mornes…

La chute du roman (les dernières lignes, sinon pourquoi pas…) ne m’a pas vraiment convaincue, loin de là…

Cà et là, j’ai trouvé quelques réflexions intéressantes, que j’aurais aimé voir développées, comme celle sur l’absence de loi visant à protéger les monuments historiques belges, sur l’insomnie ou sur les mots à la mode comme ces fameux ressentis dont on nous rebat les oreilles. La philologue n’est pas loin pour ceux qui connaissent le parcours d’Amélie Nothomb.

On connaît l’admiration de la romancière pour Stendhal. Et rien que pour le petit bijou découvert : « La seule excuse de Dieu, c’est qu’il n’existe pas. », je ne regrette pas ma lecture. Je reste malgré tout un peu sur ma faim.

Amélie Nothomb, Le Crime du Comte Neville, Albin Michel, 2015

Le Crime du Comte Neville

Fissure 0 – Bébé 1 !

16313011-contexte-avec-la-silhouette-de-la-femme-enceinteAprès de longs mois de silence, je reviens pour un billet qui n’a rien à voir avec la littérature mais que je me devais d’écrire. Si vous le lisez, c’est très probablement que vous venez d’apprendre que vous ou quelqu’un de votre entourage attendant un enfant vient de faire une RPM, une Rupture Prématurée des Membranes. Lorsque ça m’est arrivé, j’ai passé des heures, des journées entières à tout lire et relire et re-relire ce qui concernait cette fameuse poche des eaux, celle qui se rompt d’un seul coup dans les films au bon moment, trempant la voiture du futur Papa histoire de faire dans le cliché, à quelques jours du terme prévu.

Ce petit (mais long!) témoignage se veut un message d’espoir et j’espère qu’il apportera un peu de réconfort à celles et ceux qui le liront et qui en auront besoin.

Je tiens à préciser avant tout que je ne suis pas médecin, que je n’ai pas fait d’études dans le domaine médical et que ce billet est simplement le récit d’une « expérience » et des centaines d’heures passées à chercher des informations (lecture de rapports de sage-femmes, de cours de médecine compris) pour tenter de mieux cerner ce qui nous était tombé dessus…

Certains soignants m’ont dit que j’en savais plus qu’eux à la fin de mon hospitalisation (dédicace spéciale à la sage-femme  qui m’a assurée que je rentrerais chez moi à 34 SA … ) Pour la petite histoire, le jour de mon déclenchement, le personnel nous a pris pour un couple d’internes en médecine…

La Rupture Prématurée des Membranes touche peu de femmes enceintes surtout si elles n’ont pas subi d’acte invasif comme l’amniocentèse ou autre.

Il existe deux cas de RMP, la totale et la partielle. Si la poche des eaux se rompt prématurément, alors vous n’aurez aucun doute car un bon litre de liquide amniotique (il ressemble à l’eau) vous aura trempée. En revanche si la rupture est partielle, le doute est encore permis (transpiration, urine, pertes vaginales….). Il existe un test « simple » pour différencier fuite urinaire et perte de liquide : si après avoir uriné, les pertes continuent (même sous forme de toutes petites gouttes), alors il s’agit  probablement de fuite de liquide amniotique.

Pour en avoir le coeur net, il n’y a pas trente six mille solutions : aller faire immédiatement un prélèvement à la maternité. Avoir perdu  seulement quelques gouttes de liquide est bon signe mais ne veut pas dire qu’il n’y a pas de danger. Il existe des protections (exactement comme des serviettes hygiéniques) qui se colorent normalement au contact du liquide amniotique mais dans mon cas elles se sont révélées totalement inutiles car elles ne détectaient pas la molécule qui pourtant était bien présente. Et pourtant j’ai fait presque une dizaine de tests.7342088-amour-et-grossesse-concept--mari-et-femme-enceinte

Les tests faits à la maternité (consistant en un prélèvement) détectent cette molécule contenue dans le liquide amniotique. Il existerait des faux positifs (contestés bien entendu par les labos mais dont se méfient la plupart des médecins car le sang ou la présence de sperme pourrait fausser les résultats)… et des faux négatifs, j’en suis persuadée vu mon parcours. Le résultat vous est généralement donné dans l’heure qui suit (et dans un couloir, debout, histoire que la future maman manque de s’évanouir…).

Selon les hôpitaux, le protocole est différent, ce qui peut rendre fou…

Les RPM peuvent survenir à n’importe quel stade de la grossesse. Plus les ruptures arrivent tôt, plus le diagnostic est sombre. Avant 22 SA, elles touchent environ 4 femmes pour 1000. La mienne est survenue le jour même des 22 SA… Il restait alors 4 mois et demis de grossesse !

Une échographie est réalisée aux urgences de la maternité pour déterminer la quantité de liquide restante autour du foetus. Les médecins calculent une valeur en partageant l’utérus en 4 zones. Si le chiffre trouvé est inférieur à 8, alors il y a sûrement un manque de liquide. Mais seul le prélèvement effectué près du col (dans des conditions d’hygiène strictes, soyez très attentifs à chaque examen ! ) avec un matériel stérile peut donner un résultat fiable…

Si le fameux test est « positif » alors il y a rupture ou fissuration de la poche des eaux et s’il est négatif, vous pouvez respirer (et rester vigilante malgré tout !).

Après une rupture ou fissure, la future maman doit rester au moins 48h hospitalisée car le risque de mise en travail est très grand. Immédiatement des antibiotiques sont donnés car souvent les ruptures surviennent à cause d’une infection.

S’il y a bien une infection vaginale, alors il y a un risque d’accouchement prématuré (ou de fausse-couche suivant le terme de la grossesse) lié à ce que l’on appelle la chorio-amniotite, l’infection des membranes de la poche des eaux.

C’est la complication numéro 1, la plus dangereuse et la plus redoutée par le corps médical. Elle peut être fatale au bébé et très néfaste à la mère.

Le problème, c’est que chacune des « mauvaises » bactéries vaginales peut déboucher sur une chorio-amniotite.

Une fissuration de la poche des eaux peut entraîner des contractions (tout comme une infection car le corps cherche à se protéger en se débarrassant de ce qui est « malade ») et donc une mise en route du travail prématurée. 14330277-jeune-femme-enceinte-assise-sur-la-fen-tre

On ne stoppera jamais des contractions liées à un début d’infection. Il faut agir extrêmement vite dans ce cas là.

Si la fissuration se produit avant 25 SA,  non seulement les médecins vous rangent dans la catégorie « peine perdue » mais surtout ils vous renvoient à domicile voir ce que décide « la Nature », si « vous expulsez votre foetus » (je ne me remettrai probablement jamais de la violence inouïe de cette phrase). Entendre cela de la bouche de médecins, spécialisés dans la PMA qui plus est, est insupportable.

A 22 SA et 4 jours, après une hospitalisation courte de 3 jours, on m’a donc dit de rentrer chez moi non sans m’avoir bien demandé si mon bébé résultait d’une fécondation in vitro plusieurs fois. Comme la conception était naturelle, ce n’était pas bien grave, la société n’avait pas donné d’argent pour rien, elle n’avait rien à faire de notre bébé de 500g ! C’est en tout cas comme cela que je l’ai perçu et nous en avons été écoeurés.

On m’a dit de vivre normalement. Ce qu’évidemment je n’ai pas fait.

Rester allongée 23h45 sur 24 peut sembler très contraignant voire impossible. Mais c’est mettre de très grandes chances de son côté… car qui dit fissuration de la poche des eaux dit souvent ouverture prématurée du col (qui se dit « tiens du liquide, c’est le jour de l’accouchement ! »).

Etre alitée, c’est vraiment ne pas bouger de son canapé. Il faut tout prévoir: boissons pour la journée, ordi, bouquins, tablette, téléphones, chargeurs (déjà branchés pour éviter de se pencher), nourriture. Et on groupe les actions : toilettes – frigo (pour récupérer le sac contenant déjà le repas froid et les couverts, n’allez pas cuisiner !) et hop ! à nouveau sur le canapé ! (en culpabilisant bien sûr car vous vous êtes levée !)

Certaines en profitent pour lire ou regarder des séries… Moi je n’y suis pas arrivée. Je me suis gavée de vidéos futiles sur Youtube, de parties de Candy Crush et d’émissions de déco.

Pendant cet intervalle à domicile (une hospitalisation était prévue à 25 SA si nous tenions), l’hygiène doit être exemplaire. S’il est possible de ne pas partager ses toilettes, il vaut mieux le faire. Lorsque ce n’était pas possible, mes proches les lavaient totalement à chaque fois… jusqu’à dix fois par jour.

Même si le corps médical ne m’en a pas informée (et c’est bien signe qu’ils pensent que toute femme ayant une poche des eaux fissurée n’a aucune chance de mener sa grossesse à terme ! ) les relations sexuelles sont interdites tout comme les bains. Les deux sont la porte d’entrée à la prolifération des bactéries (pouvant causer une chorioamniotite).

J’ai fait laver mes sous-vêtements à 60… Ils étaient ensuite rangés dans des sacs en plastique (ceux pour la congélation !) pour ne pas être en contact avec autre chose. C’était peut-être inutile mais peu importe.

Il fallait que je puisse agir et ces petits riens donnent le sentiment de faire quelque chose de constructif.

Je suis restée alitée (alitement non « strict » car je pouvais aller aux toilettes et prendre une douche en 4e vitesse) pendant 13 semaines. Pendant la longue hospitalisation, celle où l’on raye chaque jour et qu’à force le carton du calendrier est troué, je n’ai pas voulu descendre en fauteuil respirer l’air extérieur. Jamais je ne me serais pardonnée de mettre encore mon bébé en danger. On oublie vite ce que c’est qu’une vie normale. Heureusement.

Il y a les moments d’espoir parfois, quand enfin, on approche de 28 SA et de la grande prématurité. On se dit que bébé est presque sauvé.

Et là, un pédiatre vient vous démolir en vous racontant que si votre rejeton sort de vos entrailles sans problème (sachant qu’un bébé qui naît avant 34 SA a besoin d’assistance alimentaire et pulmonaire… ce qui sont des problèmes en soi), de toute façon il chopera une septicémie. Ou une maladie nosocomiale.

De quel droit un médecin peut-il affirmer de telles choses ? Comment peut-on oublier toute humanité en dressant un tableau si noir d’une situation qui n’est qu’hypothétique ? Pourquoi détruire l’espoir qui permet de ne pas se lever, de continuer à se battre ? Les forces morales jouent énormément dans ce long parcours et arriver à les reconstituer après une visite pareille ne se fait pas sans peine…14806147-m-re-et-b-b-symbole-la-main-de-la-famille-attir-les-gens-silhouette-amour-maternit-ic-ne-illustratio

Soignants, si vous me lisez, ce dont je doute, rappelez-vous que ce vous dites à une femme enceinte alitée ne s’envole pas une fois que vous aurez passé la porte (en oubliant de la fermer… c’est pas comme si on pouvait le faire facilement ! ). Vos mots seront gravés pour toujours, tourneront et retourneront dans sa cervelle (eh oui ! on peut avoir fait d’autres études que médecine voire même pas d’études du tout et avoir quelques neurones à sa disposition !). Alors par pitié, choisissez vos mots  !

J’en reviens encore à cette expression qui m’a torturée : « Expulser votre bébé » qui enclenche forcément un processus de culpabilité, d’angoisse terrible et de sentiment d’être une mauvaise mère alors que l’enfant va bien !

Une sage-femme, plus jeune que moi, probablement très sympathique au demeurant, a le jour où nous avons quitté l’hôpital dit la phrase suivante, faisant référence à la prématurité de mon bébé (né seulement 3 jours avant le terme, soit plus de 35 semaines de gestation  pour le corps médical.) « Si votre bébé était normal, vous auriez pu sortir avant. »

J’ai été tellement choquée d’entendre ces mots que je n’ai pas réagi. Et j’ai pensé aux parents dont les enfants sont nés à 25, 28, 30 SA et qui sont confrontés à la peur des complications, à la peur de séquelles. Un bébé à peine prématuré est anormal ? Non, il a une longueur d’avance ! (merci SOS prémas….).

Je n’ai eu de considération avec certains médecins que lorsque j’ai explicitement dévoilé leurs sous-entendus en utilisant leur vocabulaire technique fraîchement appris dans leurs cours de médecine sur le net. Parce que s’asseoir sur le lit de la patiente, mettre la main sur sa cuisse, lui caresser le genou sous les yeux de son mari, ce n’est pas franchement ce qu’on attend. Cette compassion maladroite (dans le meilleur des cas, ne nous voilons pas la face…) on peut s’en passer. Comprendre pour mieux appréhender, accepter et combattre la situation, non.

Alors concrètement, que faire pour combattre cette putain de fissure ?

Beaucoup de médecins disent qu’il n’y a rien à faire. Pour moi, c’était impossible. Il fallait au moins limiter les risques.

Un repos strict, une hygiène corporelle drastique (attention tout de même à ne pas trop se laver pour ne pas détruire la flore vaginale qui combat les « mauvaises » bactéries !), des toilettes immaculées sur lesquelles vous pourriez manger, des sous-vêtements lavés à 60 (attention à ne pas garder les protections plus de 3h, mouillées elles peuvent favoriser la multiplication des bactéries), une abstinence totale, pas de bain (de toute façon à l’hôpital…).

Ce combat contre la mort, vous ne le vivez pas seule. Généralement les bébés se mettent à beaucoup interagir avec leur maman.

Croyez-le ou non, mon bébé n’a jamais autant bougé qu’après la première fissuration (bien sûr les hormones ont dû jouer) et lors de la visite du pédiatre.

J’y ai toujours cru car il était impossible d’accepter de perdre mon bébé. Et si lui bougeait pour me dire qu’il était là et qu’il se battait, moi qui avais bien plus de forces que lui, moi qui étais responsable de lui, je n’avais pas le droit de craquer, de baisser les bras, de ne plus y croire.

Et pourtant des moments difficiles il y en a eu. Les multiples protocoles d’urgence (où on ne sait pas si 45 minutes plus tard on  sera césarisée… suspens !), les deux corticothérapies pour maturer les poumons de bébé, les tocolyses qui vous mettent KO mais qui calment enfin ces contractions, les dextros , les plateaux pour diabétiques alors que vous n’êtes pas diabétique, les plateaux repas immondes ou avec aliments non lavés voire très déconseillés aux femmes enceintes (avec terre sur la salade, gâteau de foie, fromage au lait cru  et fraises), l’absence totale d’intimité (merci à l’aide-soignante venue récupérer le test urinaire alors que j’étais encore aux toilettes…), les pleurs terribles des autres patientes dans la nuit… et surtout les échographies de 45 minutes à une heure où l’on ne montre pas une fois, pas une seule, son bébé  à une maman alitée depuis plus de trois mois. Echographie où le seul but est que de jeunes internes et externes voient le développement d’un foetus unique sans malformation à 32 SA.

Dès 8SA mon bébé a permis à de jeunes internes de s’essayer à l’échographie. En temps qu’enseignante, je trouvais très bien voire même glorifiant que notre petit embryon permette à de jeunes médecins de progresser dans leur spécialité. Seulement voilà… Comment peut-on oublier l’humain à ce point là ? Comment peut-on être aussi peu attentif et avoir aussi peu de bon sens ?

Voilà comment il est facile de faire craquer une future maman. Examinez son bébé sous toutes les coutures mais ne le lui montrez pas une seule fois l’écran. Et surtout si elle fait un malaise, continuez l’examen en la mettant sur le côté, il ne faudrait pas perdre une minute de ce temps si précieux.

Voilà donc la future maman confrontée à un dilemme : poser des questions qui la taraudent ou demander à la fin de l’examen à voir une minute son futur bébé… Les deux questions posées, l’écran est déjà éteint, la sonde nettoyée…

On est parfois si loin de l’humain. Mon médecin référent, qui m’a suivie 14 semaines, n’a pas jeté un seul coup d’oeil à un mon enfant après sa naissance et n’a pas répondu à notre bonjour lorsque nous l’avons croisé dans le couloir. Etre une pointure dans son domaine, c’est certes merveilleux, mais comment un gynécologue obstétricien peut-il n’en avoir rien à faire à ce point là de ces bébés qu’il a suivis jour après jour, échographie après échographie ?

Et puis il y a ceux qui vous serrent la main (oui, la première fois après deux mois, je vous assure qu’on verse une larme parce qu’enfin notre identité sociale a été reconnue et qu’on existe encore en tant qu’individu), qui vous disent « encore vous ! » voire même « bravo, vous avez tenu tout ce temps ! »… Il y a même ceux qui serrent la main du futur Papa et qui lui disent « bonjour Monsieur » au lieu de faire comme s’il n’existait pas… Et puis il y a toutes les sage-femmes qui répondent inlassablement (ou sans trop le montrer !) à toutes les questions et qui tentent d’apaiser nos angoisses, les aide-soignantes qui réconfortent.

Des moments durs, il y en a donc eu. Des déceptions aussi. Les proches qui ne prennent pas de nouvelles notamment. La mort qui plane fait peur certes mais la combattre ne se fait pas seul.

Mais dans ce long marathon psychologique, il y a eu de beaux moments aussi. La présence du futur Papa, les bons pour le lit accompagnant, les visites quotidiennes de mes parents avec des petits plats, les caps passés semaine après semaine : 25 (seuil de prise en charge du bébé), 28 (entrée dans la très grande prématurité), 30 (changement de dizaine important paraît-il), 32 (moins de problèmes respiratoires), 34 (réflexe de succion), 35 (unité kangourou voire maternité) et 36 (on s’approche du terme !), la première pizza engloutie en 5 minutes chrono, les discussions avec les kinés et les sage-femmes, les visites de quelques proches, les brassières et pulls tricotés par ma grand-mère, les beaux monitorings « celui-là, on pourrait le mettre dans un livre ! », l’unique séance de préparation à l’accouchement, l’énorme colis rempli de cadeaux de copines virtuelles, les longs mails et messages d’autres femmes en MAP qui d’inconnues sont devenues des proches, la force incroyable donnée par les échanges avec celles qui avaient été dans cette situation difficile, les textos ou visites surprises d’anciennes connaissances ou amies perdues de vue depuis plus de 7 ans…La « brioche » toute sèche du dimanche matin prenait souvent une saveur particulière ! Et même parfois les rires qu’on veut limiter à cause des contractions …Il y en a eu très peu, mais il y en a eu.15907430-silhouette-de-femme-enceinte-en-fleurs

Mon parcours a été atypique. Fissuration de la poche des eaux à 22 SA, hospitalisation,  retour au domicile à 22SA+4, fissure colmatée à 25SA, fissuration de la poche des eaux à 25+6, contractions et col en entonnoir à 14mm, hospitalisation, ouverture du col à 1 doigt, liquide à 15 un beau jour (erreur de calcul de l’interne ? nous ne saurons jamais !), col qui gagne en longueur utile grâce au repos, trois ou quatre protocoles d’urgence, trois tocolyses, deux corticothérapies, quatre antibiothérapies, fissure colmatée à 35+4, sortie de l’hôpital à 35 +6, fissuration de la poche des eaux à 36+1, hospitalisation, déclenchement avec gel et relai d’ocytocine à 36+3, poche des eaux percée par la sage-femme (eh oui ! vous avez bien lu !) et naissance de notre victorieux et persévérant bébé à 36+4.

Notre enfant n’a jamais manqué de liquide amniotique, ça a été une grande chance par rapport à d’autres bébés qui naissent tout comprimés dans leur poche. Un bébé peut  se développer sans trop de liquide, si la poche des eaux s’est rompue, puisqu’il en reconstitue en urinant chaque jour. Une rupture de la poche des eaux n’entraîne pas de souffrance foetale directe. Mais le risque infectieux est plus grand car l’ouverture de la poche plus grande que lorsqu’elle est « simplement » fissurée.

Une MAP est toujours très difficile. Mais quant à celle-ci s’ajoute un risque infectieux, la grossesse prend une toute autre dimension car je doute qu’on puisse échapper à la culpabilité. Plus appréhender la mort que se réjouir de la vie qui est là en cette période qui aurait dû être si heureuse est une souffrance quotidienne pour les futures mamans qui ont connu ce genre de parcours. J’ai eu le sentiment de mettre mon enfant en danger et la délivrance me semblait bien porter son nom.

Le 22 Février 2015, mon bébé n’avait que 20% de chances de survie. Et encore moins de naître sans infection. Aucun médecin n’y croyait. Et pourtant, le prélèvement de cordon est revenu négatif le jour de mon accouchement.

Il faut de la chance, évidemment, mais aussi beaucoup de forces et de persévérance pour continuer à se battre en restant immobile. Mais cette Victoire vaut tous les sacrifices !

Fissure 0 – Bébé 1 !

Un monde flamboyant

« J’ai encore à faire. Il reste en moi des mondes à découvrir, mais je ne les verrai jamais. »

un monde flamboyantRécit mettant en scène la destinée d’une artiste new-yorkaise méconnue de son vivant, Un Monde flamboyant revient sur l’existence foisonnante d’Harriet Burden.

Portrait choral, protéiforme d’une femme, d’une artiste, ayant souffert toute sa vie d’avoir été réduite à sa fonction d’épouse, ce roman de Siri Hustvedt entraîne le lecteur sur les chemins de la création, de l’épineuse question de la réception de l’oeuvre. Cette plongée dans le milieu de l’art révèle bien des dangers et des injustices pour ce personnage mû par une quête que l’on devine inaccessible.

Par sa construction complexe, ce texte fragmentaire, sorte d’enquête ou d’étude universitaire, offre bien des lectures du personnage d’ « Harry », qui échappe constamment au cadre dans lequel les autres ont voulu la réduire. Mais qui voudrait reconstituer le puzzle serait toujours confronté à une pièce manquante !

Siri Hustvedt signe là un roman très bien construit, très érudit, très riche, peut-être difficile d’accès dans un premier temps, mais qui témoigne d’une remarquable maîtrise de la narration.

Ouvrage découvert grâce aux matches de la rentrée littéraire 2014 organisés par Price Minister.

Siri HUSTVEDT, Un Monde flamboyant, Actes Sud, 2014

Un monde flamboyant

Pétronille

Comme toutes les années, sans exceptions, un peu avant le déferlement des romans de la rentrée littéraire de septembre, on trouve dans les rayons des librairies, le dernier Amélie Nothpétronilleomb.

Il fut un temps où je me jetais dessus avidement, sûre de passer un très bon moment de lecture. Bien que j’aie été souvent déçue ces dernières années, j’ai tout de même eu envie de découvrir ce petit roman, parfait pour une fin de vacances. Le titre m’a intriguée me rappelant Pétronille et ses 120 petits, album que j’aimais tout particulièrement enfant. Mais je m’égare…

Comme pour beaucoup de ses textes, la lecture fut brève. On retrouve des thèmes déjà abordés plusieurs fois dans son oeuvre : le champagne, l’ivresse, le thème du double, la figure de l’artiste. Et justement, c’est cet écho trop marqué qui m’a laissée sur ma faim.

Et toujours cette frontière ténue entre l’autobiographie, l’autofiction et la fiction tout court. Alors certes, c’est intéressant. Mais pourquoi ne pas aller plus loin ? Pourquoi écrire une fin sur le même principe que Robert des noms propres ? Tisser des échos, entretenir l’intertextualité, créer une oeuvre cohérente ? Si j’en comprends le principe, j’avoue rester un peu sceptique.

Comme dans ce texte écrit il y a quelques années, Amélie Nothomb revient sur un artiste qu’elle affectionne tout particulièrement. Cette fois, ce n’est pas la chanteuse Robert mais une jeune femme à l’allure garçonne qui écrit des romans. Amélie Nothomb, la narratrice, l’a rencontrée alors qu’elle cherchait une convigne, comprenez compagne de beuverie version luxe.

J’ai apprécié ce jeu proposé au lecteur, trouver l’identité de cette romancière cachée. Internet aidant, la recherche ne m’a pas pris bien longtemps mais la stratégie du mystère a fonctionné, me donnant l’envie d’aller découvrir les textes de cette jeune femme. En cela, le pari est tout à fait réussi.

Même si je n’ai pas été follement emballée, j’avoue avoir souri plus d’une fois voire même ri à plusieurs passages notamment lors de l’épisode avec Vivienne Westwood. Les pages faisant l’éloge du champagne sont assez belles et donneraient presque envie d’ouvrir une bouteille même si l’on n’aime pas (ô sacrilège !) ce breuvage doré.

Amélie Nothomb, Pétronille, Albin Michel, Août 2014

Pétronille

Elle marchait sur un fil

 » Un vertige et un chantier. Elle sourit en pensant que c’était la parfaite métaphore de sa vie nouvelle. Des pensées contradictoires se bousculaient. Sans Le Fil, je serais tombée. Sans Le Fil, je ne saurais même pas ce que c’est que tomber. »

delerm

On ne présente plus Philippe Delerm, auteur notamment de La Première gorgée de bière ou du plus récent de Je vais passer pour un vieux con.

Son dernier roman, Elle marchait sur un fil, développe les thèmes de la renaissance, du monde du spectacle et des relations surprenantes que l’on peut établir au hasard des rencontres.

Marie vient d’être quittée par son compagnon. Celui-ci a refait sa vie avec une femme plus jeune tandis qu’elle reste dans cet entre-deux en attendant la survenue d’un événement qui l’emporte et qui lui fasse comprendre que la vie, malgré tout, a du sens.

Entre Paris et la Bretagne, Marie s’entoure d’enfants. De sa famille de sang d’abord, puis d’une autre famille, celle du théâtre.

Embarquée dans une aventure de création, qui bousculera son existence et celle de son fils, Marie se sent revivre. Elle réalise l’un de ses rêves : monter un spectacle. En équilibre sur ce fil, tendu entre le passé et l’avenir, entre renoncement et création, le personnage est porteur de plusieurs interrogations : comment se reconstruire après un échec ? Comment concilier à la fois nos regrets et nos projets ?

Mais, il soulève également la question de l’éducation notamment par l’intermédiaire du personnage d’Etienne, fils de Marie et de Pierre. Reçu au Conservatoire, il a préféré abandonner sa carrière artistique pour devenir architecte d’intérieur et avoir des revenus décents. Cela devient un sujet de discorde avec sa mère qui n’accepte pas cet échec et ce manque d’ambition pour son fils.

Ce roman est également une ode à la vie, la promesse que le meilleur peut encore advenir alors que l’on a cinquante ans passés.

Le lecteur connaissant un peu la famille Delerm, le père écrivain et le fils chanteur, pourra également penser à la dimension autofictive de ce roman au cœur de l’art.

Philippe Delerm, Elle marchait sur un fil, éditions du Seuil, 17 €, avril 2014.

Elle marchait sur un fil

Théorie de la vilaine petite fille

« Mais une autre vie a commencé pour nous à Hydesville. De gosses sans grand prestige, nous voici donc passées au grade de prodiges. Le pouvoir de communiquer avec un mort n’est pas octroyé au commun des mortels. D’autant plus que notre hôte tapageur s’en donne à coeur joie, pour parler franc. Jamais il n’aura été si loquace. »

théorie de la vilaine petite filleDans l’Amérique puritaine de la deuxième moitié du XIXème siècle, à la suite d’un déménagement, deux soeurs font une étrange expérience. Intriguée par les coups répétés retentissant dans leur nouvelle maison, Kate, personnage mystérieux s’il en est, découvre le spiritisme et communique avec l’ancien propriétaire des lieux, décédé dans de tragiques circonstances. Sa soeur, Margaret, fasciné par ce don, la rejoint lors de séances qui perturbent la vie de la petite communauté de Hydesville. Mais la peur et le rejet remplacent bientôt la curiosité des villageois : la famille harcelée décide donc de quitter les lieux pour se rendre dans une ville plus propice à la bonne évolution de leur destin. Tandis que les parents pensent avoir été investis de la mission de « dévoiler aux terriens la clé de l’autre monde », la soeur aînée Leah, va profiter de cette aubaine pour faire fructifier son entreprise, le Spiritualist Institute, où sont données des démonstrations de « télégraphie spirituelle » ou d’écriture automatique directe. Pendant que les tables tournent, les porte-monnaie se remplissent.

La galerie de personnages que l’on croise dans ces pages est assez intéressante, notamment les personnages féminins. Les trois soeurs, en particulier, mais également Pearl, fille d’un pasteur. Celles-ci offrent un angle intéressant sur le statut des femmes dans le Nouveau Monde après 1850. Néanmoins, Kate échappe à cette dimension historique par son caractère presque évanescent, semblant souvent sortir à peine d’une crise de somnambulisme. Sa soeur Margaret fait davantage partie intrinsèque du monde terrestre puisqu’elle avoue tricher parfois  lorsque les esprits rechignent à se manifester.

 «Un esprit, si j’ai bien compris, c’est un soupçon d’infini accroché à des impressions passées, ou plutôt l’ombre d’une âme pleine de regrets,  et tout cela captif de notre étroitesse de créatures vivantes. À cause d’une mort violente, suicide ou assassinat, d’un chagrin immense, d’une terrible contrariété au moment de gagner la porte de l’au-delà. »

Roman étonnant, entre spiritisme et libéralisme naissant, ce texte d’Hubert Haddad nous entraîne sur les traces des soeurs Fox, pour peu que notre table de lecture ne soit pas scellée au sol…

Hubert Haddad, Théorie de la vilaine petite fille, éditions Zulma, Janvier 2014, 20 euros.

Théorie de la vilaine petite fille

Les Damnés de Paris

les damnés de ParisEmpreinte de l’atmosphère des tableaux impressionnistes, cette bande dessinée de Michäel Le Galli et Marie Jaffredo offre un agréable parcours dans la fin du XIXème siècle à travers la destinée de trois personnages. Constance Desprez, une jeune provinciale, arrive à Paris dans le but de retrouver son fils, François-Marie, qui lui a été arraché de force à sa naissance car l’union de la jeune femme avec le père de l’enfant compromettait la réputation de sa belle famille. Elle ignore quasiment tout de lui à l’exception qu’il a été placé dans un orphelinat. Bien décidée à le retrouver, elle est guidée par un jeune enfant,  Darius, Gavroche espiègle et rusé, et aidée par André Gill, caricaturiste au Journal l’Eclipse, célèbre pour ses portraits-charge.

Plus que la narration et l’enquête en elles-mêmes, c’est peut-être le décor parisien que le lecteur gardera en mémoire, bien que le scénario soit totalement abouti. Les plus grands peintres de l’époque impressionniste évoluent dans le Paris mouvementé et métamorphosé du baron Haussmann. L’oeil de Nadar semble planer sur les planches, inspirées des photographies de l’artiste pour certaines. L’album s’ouvre par ailleurs sur un clin d’oeil au tableau de Monet, « La Gare Saint Lazare ». Que les références soient explicites ou plus discrètes, elles fourmillent à chaque page, ne manquant pas de raviver les souvenirs picturaux du lecteur.

Le graphisme, aux teintes assez douces, participe également de ce voyage dans le temps, nimbant les événements d’une brume et adoucissant délicatement les traits des personnages.

L’album bien documenté retrace également l’agitation de la capitale peu avant les événements de la Commune, les combats pour la liberté de la presse et ceux pour la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Un  beau voyage tragique dans le Paris artistique et politique de la fin du XIXème siècle.

Michael Le Galli & Marie Jaffredo, Les Damnés de Paris, Vents d’Ouest, 12 Mars 2014, 22 euros.

Les Damnés de Paris

C’est toi ma maman ?

« Elle voyait mes blessures invisibles parce qu’elles étaient aussi les siennes. »

c'est toi ma mamanAprès le succès de Fun home, ayant pour personnage central le père d’Alison Bechdel, l’auteur revient  dans C’est toi ma maman ? sur les relations complexes qu’elle entretient avec sa mère depuis l’enfance. Empreint de références psychanalytiques ou médicales (Freud ou Winnicott, le célèbre pédopsychiatre) et nourri d’oeuvres littéraires, en particulier quelques textes de  Virginia Woolf extraits de son Journal ou de Vers le phare, ce roman graphique très dense soulève bien des questions non seulement par rapport à la vie, à nos relations avec autrui et la cellule familiale, sur nos conditionnements depuis l’enfance… La pyschanalyse est omniprésente au fil des pages, rendant parfois la narration un peu complexe pour le lecteur peu familier de ces concepts.

De nombreux retours en arrière dans l’enfance d’Alison et dans ses relations amoureuses saphiques  tissent des échos dans ce  pavé qui demande bien plus de concentration qu’une bande dessinée ordinaire.

L’ouvrage renvoie aussi à la question de l’écriture. Sous forme de mémoire, à mi-chemin entre la biographie, celle de la mère, et l’autobiographie, Alison Bechdel traque la vérité intime au sein des souvenirs, des mots et des récits de rêve. Certaines planches fourmillent de détails, à la manière d’un patchwork variant du rose au gris, conçues comme des strates mémorielles. L’auteur, par l’intermédiaire de son personnage, qualifie d’ailleurs son roman de « méta-livre », soulignant ainsi sa réflexion sur la création, sur ses pouvoirs mais aussi ses dangers, puisqu’il n’est jamais anodin de consacrer une biographie à une personne toujours vivante, qui plus est sa mère.

Ecrire sur autrui pour mieux se connaître, pour pouvoir se connaître, est au cœur de ce « drame comique« , qui non sans humour, aborde des thèmes existentiels, renvoyant le lecteur à sa propre image, dans un miroir quelque peu brouillé.

Alison BECHDEL, C’est toi ma maman ?, un drame comique, éditions Denoël Graphique, 24 euros

Lien vers une interview de l’auteur

C’est toi ma maman ?

La Lettre à Helga

la lettre à helgaJ’avais beaucoup lu d’éloges à propos de La Lettre à Helga, court roman épistolaire, publié lors de la rentrée littéraire de Septembre 2013.

Comme souvent, après m’être forgé un horizon d’attente plutôt ambitieux, je suis déçue. Et ce court texte n’a pas dérogé à cette habitude malheureusement. Quoi qu’il en soit, La Lettre à Helga est un roman de qualité (publié aux éditions Zulma, je n’en attendais pas moins) mais je suis restée un peu hermétique à cette histoire d’amour manqué.

Bjarni Gíslason, ancien contrôleur de fourrage, est un vieil homme qui sent que la vie va bientôt le quitter. Il revient dans une longue lettre sur l’amour de sa vie, Helga, femme inaccessible, pourtant voisine de la ferme qu’il a habitée. Ce que je garderai comme souvenir de cette lecture, c’est de toute évidence la force de la nature et le pouvoir de celle-ci sur les êtres vivants. En Islande, les éléments ont une importance particulière, ils rythment la vie car ils peuvent se réveiller à tout moment et tout anéantir dans un spectacle ahurissant de beauté. Mais parfois, leur poids écrasent les  êtres fragiles que la Terre abrite. On en souffre, mais on ne peut pas faire sans. Toute sa vie, Bjarni aura aimé Helga d’un amour passionné, puissamment charnel sans pouvoir officialiser son union avec elle, ne devant se contenter que de petites trahisons faites à sa femme et de la douleur de voir celle qu’il aime dans les bras d’autres hommes.

Ce qui m’a gênée dans ma lecture, c’est la crudité des termes qui rompent avec la poésie du texte. Les scènes d’amour sont liées à une violence sauvage, passionnelle, certes, mais bestiale, qui ne m’a pas du tout séduite.

La répétition de certains éléments comme le leitmotif de l’urine d’animaux, au coeur de la vie des personnages, m’a un peu lassée également même si j’aurais appris que pour avoir une chevelure de rêve, il faut délaisser shampoing et autres cosmétiques au profit d’urine fermentée. Bizarrement, je sens que je ne tenterai pas la coutume locale …

En tout cas, je poursuivrai avec plaisir ma découverte de la littérature islandaise commencée il y a quelques mois déjà avec Stefansson.

Bergsveinn Birgisson, La Lettre à Helga, éditions Zulma

2ème participation au challenge amoureux des Chroniques culturelles, catégorie « amours impossibles »

La Lettre à Helga