La Maladroite

seurat-la-maladroiteAprès ma lecture « détente » du dernier Nothomb, j’ai eu envie de découvrir le premier roman d’Alexandre Seurat, La Maladroite.

Les éloges fleurissent à propos de ce roman polyphonique mettant en scène, sans voyeurisme ni sentimentalisme, le martyr d’une petite fille victime de maltraitance. L’auteur, Alexandre Seurat, s’est inspiré de l’ affaire « Marina » dont on avait parlé il y a quelques années.

Diana est une petite fille qui semble engluée dans le malheur. D’abord rejetée à sa naissance, sa mère finit par vouloir la reprendre avec elle. En la nommant Diana, elle semble sceller son existence la condamnant à un avenir sombre fait de cavales, de faux nouveaux départs, qui auraient pu se répéter à l’infini,car à chaque fois que le soupçon de maltraitance pèse sur les parents, ceux-ci déménagent pour échapper à une enquête trop poussée.

Ce roman choral superpose les voix des témoins et des acteurs. On entend parfois la voix de la fillette qui restitue très souvent les  paroles des adultes. La sienne est contrôlée, maîtrisée ou contrainte au silence lorsqu’elle révèle par bribes un peu de ses souffrances.

C’est une sorte de machine infernale qui se met en place dès le premier signe de maltraitance repéré par l’institutrice. Quels que soient les rapports effectués par l’institution, le tragique semble s’acharner sur sa victime, aggravant à chaque fois son sort.

La culpabilité pèse lourd sur les nombreux témoins qui ont pourtant vu et compris mais qui n’ont rien pu faire malgré les signalements. La lenteur de l’institution, qui classe l’affaire faute de preuves réelles alors que le corps de Diana porte les stigmates des sévices corporels infligés par ses parents, n’a pas permis de mettre fin à cet engrenage.

En laissant une zone d’ombre sur les tortures et un adoptant un style « factuel », l’auteur couvre la fillette de dignité et rend hommage à cette enfance meurtrie.

Un texte poignant et juste dont on ne sort pas indemne.

Alexandre Seurat, La Maladroite, Editions La Brune au rouergue, 2015

La Maladroite

Le Crime du Comte Neville

crime comte NevilleQui dit rentrée littéraire dit parution d’un roman d’Amélie Nothomb. Sans surprise, la romancière belge publie donc un nouveau titre Le Crime du Comte Neville.

Assez déçue par ses derniers écrits mais toujours fascinée par le personnage de l’écrivain, j’ai quand même voulu me faire un avis. C’est une lecture finalement assez agréable, assez facile aussi. Le roman m’a davantage intéressée par les thèmes, souvent développés par l’auteur, qu’il aborde : l’adolescence, la difficulté à être, la thématique du double, la culpabilité, la mort et le rapport dominant-dominé et la relation père-fille. La mythologie plane sur l’ensemble du récit sans pour autant être une réécriture d’Iphigénie. Dommage d’ailleurs que les références soient explicites, que le lecteur n’ait pas à chercher dans ses souvenirs littéraires…

Les Neville sont belges. Et nobles. Tiens, comme les Nothomb…la famille de l’auteur apparaît d’ailleurs au fil d’une page. « Effet de réel » aurait dit Barthes…

Comme les temps sont durs et que c’est la crise pour tout le monde ou presque (le récit se passe en 2014), les Neuville doivent vendre leur riche demeure. Mais avant cela, le comte veut organiser, comme chaque année, une garden-party réunissant le gratin du coin. Mais, tout ne se passe pas comme prévu: sa fille Sérieuse (oui, oui, Sérieuse…Amélie Nothomb persiste et signe à donner des noms folkloriques à ses personnages. Lassant ou hilarant, à vous de voir…) a fugué (en réalité elle a simplement voulu attraper froid en dormant dehors histoire de ressentir quelque chose) et a été retrouvé par une chiromancienne qui annonce tout de go au père qu’il tuera un des ses invités lors de la réception organisée quelques jours plus tard. La machine infernale est en marche. Nul ne peut contrer le Destin. Sauf peut-être Sérieuse, bien décidée à ce que son père mette fin à ses jours trop mornes…

La chute du roman (les dernières lignes, sinon pourquoi pas…) ne m’a pas vraiment convaincue, loin de là…

Cà et là, j’ai trouvé quelques réflexions intéressantes, que j’aurais aimé voir développées, comme celle sur l’absence de loi visant à protéger les monuments historiques belges, sur l’insomnie ou sur les mots à la mode comme ces fameux ressentis dont on nous rebat les oreilles. La philologue n’est pas loin pour ceux qui connaissent le parcours d’Amélie Nothomb.

On connaît l’admiration de la romancière pour Stendhal. Et rien que pour le petit bijou découvert : « La seule excuse de Dieu, c’est qu’il n’existe pas. », je ne regrette pas ma lecture. Je reste malgré tout un peu sur ma faim.

Amélie Nothomb, Le Crime du Comte Neville, Albin Michel, 2015

Le Crime du Comte Neville