L’envie de Sophie Fontanel

« Si tout le monde faisait l’amour, on ne s’entendrait plus. »

Sous un bandeau orange, un peu racoleur, on peut découvrir le dernier roman de Sophie Fontanel, journaliste à Elle, notamment, s’intitulant L’Envie (référence à une chanson de Johnny Hallyday). Après, avoir lu quelques critiques élogieuses portant sur ses précédents romans et avoir été intriguée, il faut bien l’avouer, par la fameuse phrase citée ci-dessous, je me suis lancée dans la lecture de ce court récit.

Raconter sa vie dans les moindres détails est monnaie courante de nos jours…Plus les détails sont croustillants, plus la vente des livres décolle. Sophie Fontanel prend à contre-pied cette mode, en relatant dans un ouvrage plus ou moins autobiographique (la narratrice porte le prénom de l’auteur, en dépit de l’indication du genre du texte sur la couverture) son passage d’une vie de femme à celle d’un individu « neutre ».

Un jour, la narratrice décide d’entrer dans une période d’abstinence sexuelle et la présente comme une insubordination qui prend la forme d’ une révolte physique d’abord puisque son corps se ferme à toute approche intime. Sophie devient donc « un individu neutre » puisqu’elle ne fait plus l’amour … (je ne suis pas sûre qu’un célibataire soit heureux d’être qualifié d’individu neutre mais passons…)

Ce roman met en scène des couples à la dérive : un soupçon de mensonge, une pincée de dégoût font recette tout au long du récit. L’amour est devenu bien triste : le seul échange physique entre deux époux se fait lorsque madame enlève la poussière sur le costume de monsieur, réduit à se salir pour espérer sentir la main de sa femme le frôler…Les enfants sont vécus comme entrave à une vie sexuelle libérée (ça ne devrait pas être le couple lui-même ? )

Le personnage principal a de nombreux traits de l’anti-héros : après avoir passé des nuits entières à embrasser son oreiller comme une pré-ado, elle fantasme sur Robert Redford au point de sentir sa présence physique… tout en attendant une paire de bottes « pendant neuf mois »… L’humour de la narratrice ne m’a pas vraiment touchée et n’a pas réussi à me faire oublier un récit que j’ai trouvé somme toute assez décousu (chapitres très courts ne se rattachant pas, au premier abord, à la trame narrative) et dont le propos m’a laissée assez dubitative…

Une note positive tout de même pour terminer, avec cette citation que j’ai trouvé assez plaisante :

« Henrietta était bien consciente que l’hégémonie du latin avait ses limites si on la comparait à la chair »     A bon entendeur …

L’envie de Sophie Fontanel

Quelqu’un d’autre

Il y a quelques semaines, Pimprenelle nous proposait de découvrir un auteur contemporain, Tonino Benacquista. J’avais déjà lu La Boîte noire et autres nouvelles, j’ai donc eu envie de lire un de ses romans les plus connus : Quelqu’un d’autre.

Sous un titre un peu mystérieux, se cache un roman, agréable à lire, qui questionne notre identité et plus particulièrement la part d’altérité que nous avons en nous-mêmes.

Tout commence le plus banalement du monde : deux hommes, Thierry Blin & Nicolas Gredzinski, discutent dans un bar, après une partie de tennis, et se rendent compte qu’ils aspirent à devenir autres qu’eux mêmes, à se métamorphoser en un autre rêvé, fantasmé, « celui que [nous n’avons] jamais eu le courage de faire naître. »  Les deux personnages se lancent une sorte de défi : devenir cette personne qu’ils voudraient être, et se fixent un rendez-vous trois ans plus tard pour voir où les aura menés leur défi.

Mais comment s’y prendre ? Et que peut-on attendre d’une pareille transformation ? N’est-ce pas dangereux ? Voilà trois questions auxquelles Benaquista tente de répondre à travers sa fiction.

La narration alterne entre les deux récits portant sur la vie de chaque personnage. Tandis que Thierry Blin choisit de disparaître pour pouvoir mieux renaître sous d’autres traits, Nicolas devient progressivement un autre, peu à peu rongé par sa découverte de l’alcool.

Un des passages que j’ai préférés est celui où Thierry Blin, devenu Paul Vermeiren, se rend à une réunion organisée en son honneur, un an après sa « disparition ». Le personnage tombe des nues et découvre alors ceux qui l’ont aimés à son insu…

« Y avait-il un seul rendez-vous au monde plus fascinant que celui-là? »

et est engagé comme détective privé pour retrouver sa propre trace !

De nombreuses réflexions du narrateur m’ont fait penser au fameux « Je est un autre » rimbaldien. L’homme est bien une « mosaïque », faite à partir de nos choix mais aussi de nos renoncements.

Beaucoup d’autres personnages du roman éprouvent d’ailleurs cette aspiration à devenir un autre : une vendeuse de surgelés qui rêve de devenir œnologue ou encore une secrétaire qui s’invente une aventure avec son patron. Mais rêver d’une vie meilleure , vouloir connaître « l’ivresse des cîmes et des profondeurs » en changeant d’identité, n’est-ce pas à nos risques et périls ?

Je ne peux donc que vous inviter à lire ce roman si vous ne le connaissez pas, car en plus d’être une fiction bien écrite et distrayante, il pose des questions fondamentales sur les rapports que nous pouvons avoir avec notre « identité » sans cesse fluctuante.

Une belle découverte qui me donne envie de lire d’autres romans de cet auteur !

Quelqu’un d’autre

Le voisin par Tatiana de Rosnay

Qui n’a jamais été agacé, gêné, dérangé, irrité, énervé ou exaspéré par ses voisins ? C’est le sujet du roman Le Voisin, de Tatiana de Rosnay, mettant en scène une femme, sans histoires, quasiment invisible aux yeux des autres, nègre dans une maison d’édition, mariée à un homme bien trop souvent en déplacement, mère de deux jumeaux pré-adolescents. Tout se passe relativement bien jusqu’à ce qu’ils emménagent, dans un immeuble, en apparence parfait.

Mais très vite le cauchemar s’installe. Chaque nuit où son mari est absent, Colombe est réveillée, à heure fixe : l’un de ses voisins, un médecin honorable, fait hurler du Mick Jagger. Très vite, la vie de Colombe va basculer et cette obsession pour le bruit va lui faire perdre ses repères et les relations qu’elle avait instaurées avec ses proches vont en être bouleversées.

Très vite, on se demande si Colombe n’est pas en proie à la folie, à une angoisse qui rejaillirait lorsqu’elle est seule ou un délire de persécution… la citation « L’ennemi la pénètre à coups de décibels » va dans ce sens d’ailleurs, et évoque tout à fait ce viol de l’intimité que l’on peut ressentir lorsque l’on est chez soi, dans son canapé, un livre sur les genoux, une tasse de thé à la main, et qu’on se retrouve avec une forte migraine et une impossibilité à se concentrer dûes à la répétition en boucle d’un remix du tube de l’été…( ou des aboiements continuels du chien d’en face…). Les effets des nuisances sonores sont très justement développées… Qui ne sombrerait pas dans la folie à force de bruit répété ?

J’ai apprécié la lecture de ce petit roman (qui se lit très vite ; bien que le suspens ne soit pas toujours haletant, j’ai eu malgré tout,  envie de connaître le pourquoi du comment ! ) ; une lecture d’été assez agréable en somme bien que le récit peine un peu à démarrer… Le rythme est assez lent dans la première moitié, et le renversement de situation qui s’opère à la fin est assez brusque.

Un bon divertissement, sans autre prétention , qui a le mérite de susciter des échos chez toute personne ayant subi ce fameux « viol auditif » …

Le voisin par Tatiana de Rosnay

Quand souffle le vent du nord

Tout commence par une lettre de résiliation sur internet… une jeune femme, Emma, veut suspendre un abonnement au magazine Like mais se trompe de destinataire et l’envoie à un certain M. Leike … Comme l’indique le sens du verbe en anglais, on bascule très vite dans l’affectif lorsqu’on confond le magazine Like avec Léo Leike… Et cela peut s’avérer dangereux…

Léo & Emma (qui signe très vite ses mails Emmi) engagent très rapidement une correspondance virtuelle intime, des courriels de plus en plus équivoques. De recherches Google sur le correspondant en formules de congé comme « je vous embrasse », ils deviennent vite accros l’un à l’autre.

Par l’intermédiaire des mails échangés se pose la question d’une relation épistolaire moderne : qu’est-t-on pour quelqu’un que l’on a jamais vu ?Que peut-on éprouver pour cette personne ? La rencontrer est -t-il souhaitable ? Est-ce que le passage dans la réalité ne démystifiera pas la relation ?

Le désir et la peur d’une rencontre physique occupe une bonne partie du roman d’ailleurs. La rencontre semble inévitable pour chacun des personnages, y compris le mari d’Emmi.

Ce petit roman épistolaire a le mérite de poser des questions intéressantes qui préoccupent tous les usagers d’internet , à un moment ou à un autre. Quand nous correspondant avec quelqu’un que nous ne connaissons pas, nous sommes d’ « intimes étrangers » nous dit Daniel Glattauer. Et, quand deux êtres de sexe opposé, sont en contact, la séduction sous-tend toujours la conversion, surtout lorsque l’on ne peut que fantasmer l’autre puisque le réel n’est pas là pour démentir une image à laquelle on s’accroche.

Même si cette relation n’est pas réelle, elle fait partie de notre réel et devient potentiellement dangereuse. Dans le cas d’un échange homme / femme, où commence l’adultère ? Emma trompe-t-elle son mari ? La question revient à de nombreuses reprises dans le roman.

Quand souffle le vent du nord est donc bien « une utopie amoureuse faite de mots », qui m’a plue davantage par les questions qu’elle soulève plutôt que par le texte lui – même. Le style des mails m’a un peu déçue car je m’attendais à ce qu’il soit un peu plus littéraire… mais le roman reste une lecture agréable…

Rien n’est résolu à la fin du texte, la correspondance est rompue, mais le poids de l’amour est bien trop lourd pour que les personnages en restent là comme l’indique la dernière page du livre « suite et fin du suspens ? » annonçant la parution de La Septième vague. A suivre donc !

La lecture de ce livre aura été l’occasion de ma 2ème participation au Challenge amoureux d’ Irrégulière, dans la catégorie « Histoire d’amour qui finit mal »

Quand souffle le vent du nord